Sur quelques paradoxes de l’épopée au XVIIIe siècle: le cas de "La Colombiade" de Mme Du Boccage

Au XVIIIe siècle, la question de l’épique se trouve reformulée à travers une réflexion sur la pratique poétique, ramenée dorénavant à sa fonction sociale: c’est en effet une nouvelle synthèse qu’opèrent les écrivains, désireux de mettre en place leur vision de l’Histoire et, avec elle, leur système de valeurs. L’histoire moderne, enfin, fait son entrée dans l’épopée: “la guerre civile, sur l’exemple de La Henriade, et la conquête du Nouveau Monde, sur celui de Camoëns et de don Alonso d’Ercilla” . De ces deux voies, c’est la seconde qui offre le champ d’expérimentation le plus fécond . Le sujet a l’avantage de la nouveauté: il sert de toile de fond sur laquelle les poètes peuvent inscrire leur pensée (leurs rêves tout autant que leurs angoisses). Ce thème, en outre, met en jeu un certain nombre de polarités: bon sauvage ou sauvage cruel? Religion naturelle ou religion révélée? Expéditions saintes ou simples brigandages? La réponse est loin d’être univoque, les grands textes incarnant à cet égard des espaces de résistance et de négociation. "La Colombiade, ou la Foi portée au Nouveau Monde" (1756) de Mme Du Boccage se situe dans ce sillage, traduisant sur le plan poétologique les tensions idéologiques du siècle. C’est par son examen que cet article tente d’élucider quelques facettes de l’épopée moderne, genre où s’élabore un nouvel épistémè.